One Health, Open Innovation… Il faut créer des passerelles!

Qu’est-ce que le concept de « One Health » (« Une Santé ») si ce n’est, une fois encore, la reconnaissance d’une nécessité impérative de créer des passerelles ? Un autre concept, celui d’« Open Innovation » (« Innovation ouverte ») ne suscite aujourd’hui plus guère d’interrogation, tant il est communément admis qu’aucune véritable innovation ne se produit en vase clos. Son usage courant fait souvent référence en premier lieu aux partenariats publics-privés, source féconde de technologies innovantes pour les entreprises, et voie d’impact pour la recherche académique. Ainsi, il n’est pas d’entreprise, pas de laboratoire qui aujourd’hui ne se targue d’avoir recours à l’Open Innovation. Alors, que mettre en œuvre pour parvenir à un tel engouement pour un autre concept, One Health, qui en appelle au même langage, celui de la collaboration, cette fois entre les sphères de la santé humaine et de la santé animale, voire même végétale ?

De même que l’Open Innovation requiert une reconnaissance et une appréciation mutuelle de la part des chercheurs des sphères publique et privée, pour concourir à l’émergence réussie de projets communs, il est fondamental que professionnels de la santé humaine et de la santé animale s’apprivoisent et collaborent aujourd’hui beaucoup plus efficacement. Il nous semble que quatre actions vertueuses méritent considération pour parvenir à ce décloisonnement :

s’entendre : le concept de One Health est très largement défini et il convient de s’entendre sur ce qui le compose, sous peine d’une appropriation intéressée par certains acteurs aux dépens de projets plus légitimes. A minima, il convient à mon avis de définir un degré d’urgence des problématiques One Health, qui permettra de concentrer les ressources disponibles, par exemple les fonds des projets européens H2020, vers les projets pour lesquels la survie de l’homme en relation avec les espèces animales qui l’entourent est la plus menacée. Zoonoses, sécurité des denrées alimentaires d’origine animale et usage raisonné des médicaments disponibles à la lumière des problématiques de résistance aux antimicrobiens ou aux antiparasitaires, doivent y figurer en toutes premières places. Une voie d’action possible pourrait être la rédaction d’un livre blanc « One Health » qui servirait de fondement à une politique concertée au niveau européen, voire international.

apprendre ensemble : tout comme l’Open Innovation a connu un terreau favorable par le rapprochement des acteurs de l’innovation, privés et académiques, au sein de bioclusters ou de pôles de compétitivité, le rapprochement des professionnels de la santé humaine et de la santé animale fournirait un substrat fertile aux projets One Health. Ainsi, à titre d’exemple, dès les premières années de leur formation, vétérinaires et médecins pourraient se voir proposer une part de leur cursus en commun, autour de thématiques telles que la Santé Publique, le bon usage des médicaments ou bien les maladies infectieuses zoonotiques.

orchestrer la collaboration : identifier un sujet d’intérêt commun, co-construire le projet, faire équipe pour obtenir son financement, établir le cadre légal d’une collaboration mutuellement bénéfique, mener le projet en s’appuyant sur les compétences complémentaires des spécialistes de l’homme et de l’animal, l’amener au stade où il se traduira en impact mesurable sur le marché, transformant favorablement la cohabitation de l’homme et des autres espèces et préservant la santé des populations, tout en contribuant au profit des acteurs publics et privés qui se sont investis, voilà autant d’étapes qui forgent une collaboration de qualité largement satisfaisante pour les parties. Elle assurera la poursuite des échanges et l’avènement de nouveaux projets collaboratifs selon un effet « boule de neige », propre à asseoir véritablement le concept « One Health » dans la durée. A ce titre, des « chefs d’orchestre » professionnels de ces collaborations et sensibles aux opportunités créées à l’interface Santé Humaine-Santé Animale doivent accompagner et rendre compte de l’impact de tels projets.

faire savoir : il faut impérativement faire connaitre les bénéfices de l’approche One Health. Tout comme Procter&Gamble a largement contribué au succès du concept d’Open Innovation en communiquant autour des bienfaits de leur stratégie « Connect and Develop » au début des années 2000, il manque au concept One Health la voix forte d’un acteur puissant du marché de la Santé qui fera le choix stratégique d’aligner une part importante de ses projets sous la bannière One Health, d’un laboratoire académique prestigieux qui se sera illustré par des découvertes majeures grâce à la collaboration santé humaine et santé animale, ou encore d’un philanthrope qui choisira d’allouer des fonds de grande ampleur à des projets One Health.

Créer des passerelles n’a jamais été aussi facile à l’ère des technologies du web. Et le concept de One Health, pénalisé par la multiplicité des acteurs et des tutelles (santé, agriculture, environnement), doit se nourrir de cette connectivité omniprésente et immédiate pour s’imposer comme une des sources les plus riches d’innovations utiles au développement durable et harmonieux des espèces humaine et animales sur cette planète.

Isabelle Dieuzy-Labaye

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