Il faut sauver le soldat “rural”

C’est un lieu commun d’écrire que nous vivons un monde en pleine évolution. En ce qui concerne les vétérinaires praticiens, quelle que soit la forme d’exercice : rural ou animaux de compagnie, il est de notre intelligence de nous investir dans la construction d’une activité professionnelle adaptée aux missions qui sont les siennes et qu’elle devra remplir dans des conditions nouvelles.

Le vétérinaire rural est d’abord Vétérinaire, c’est à dire un « pilier majeur » de la Santé animale et de la Santé Publique. Quelles que soient les nouvelles conditions, le vétérinaire rural est confirmé dans son rôle de référent sanitaire de proximité des élevages avec un rôle de sentinelle dans le dispositif sanitaire français

Les sources de revenus du vétérinaire rural évoluent, il doit devenir moins dépendant du revenu du médicament et le revenu tiré des prophylaxies va continuer à diminuer. Ce sont là deux segments intimement liés à la mission de Santé Publique du praticien rural, avec deux obligations : la bonne gestion de l’arsenal antibiotique et la mise en avant de la prévention et de la vaccination.

Dans la revue de l’Ordre national des vétérinaires, Pascal Fanuel nous fait partager des réflexions sur les craintes de voir apparaitre des déserts de praticiens ruraux. Notre confrère Pierre Mathevet, dans son excellente tribune : « Les six défis du vétérinaire rural » décrit avec précision ce que devra être et ce que sera le vétérinaire dans un avenir très proche.

Hier, du fait de la variété des espèces animales présentes dans l’exploitation et du fait que l’éleveur intervenait peu lui même dans les soins vétérinaires, la fréquence de sa présence dans l’exploitation inscrivait le vétérinaire rural dans le quotidien de l’éleveur ; il s’établissait une relation étroite et des échanges multiples. C’était alors une relation d’homme à homme.

Aujourd’hui, l’éleveur est un entrepreneur, le vétérinaire dirige aussi une entreprise ; donc il nous faut faire fi des préjugés et des fausses pudeurs commerciales et développer une relation d’entreprise à entreprise. Dans ce débat, il ne faut pas occulter la question de l’équilibre entre les exigences de la vie professionnelle et les revenus qu’elle produit. « Le talent commercial n’occulte pas, ou ne se développe pas au détriment du talent technique ». Le vétérinaire, comme tout entrepreneur, se doit de mettre en place une véritable stratégie commerciale et ne pas hésiter a développer sa communication, à vendre ses services.

L’éleveur est demandeur de solutions qui lui font gagner du temps et de l’argent mais il est aussi demandeur d’un « généraliste performant » et il souhaite surtout un interlocuteur unique. Le vétérinaire rural doit veiller à mettre l’éleveur au centre de sa stratégie. Ce nouvel objectif de relation ne doit pas laisser disparaitre la relation d’homme à homme qui est et reste une des valeurs de notre profession, il nous faut la renforcer.

On nous dit que nous vivons l’époque de la communication, du réseau. La profession doit investir dans un véritable travail de recherche et de mise en place d’outils adaptés à la révolution numérique, qui permettent une relation privilégiée facile, efficace, disponible en temps réel et qui répondent aux attentes de l’éleveur : « gagner du temps et de l’argent ». Ces outils doivent valoriser et renforcer le « produit phare » de notre profession : la relation d’homme à homme. Participer et soutenir ce travail de recherche serait une excellente initiative du Ministre de l’Agriculture.

La lutte contre la désertification du tissu vétérinaire rural passe par la gestion de son renouvellement. Le Ministre en charge de l’agriculture annonce le financement de stages vétérinaires en alternance pour susciter chez nos jeunes confrères des vocations de vétérinaires ruraux. Toute initiative visant à gérer une situation difficile est respectable. Cependant, je ne pense pas que « subventionner des vocations » apporte la solution. Que penser de l’avenir d’une profession dont il faut soutenir le renouvellement par des subventions comme on soutient les monuments historiques ou les espèces en voie de disparition ?

Ce n’est pas « qu’un » problème de vocations.

Etre vétérinaire rural ne signifie pas rentrer dans les ordres. Les attentes de nos jeunes confrères ont changé, le diplôme n’est plus la certitude de vouloir consacrer sa vie à une expérience professionnelle unique. Les aspirations sont modulées par la recherche de l’équilibre vie professionnelle, vie personnelle. Les moyens humains, scientifiques et techniques mis à disposition par l’entreprise sont des facteurs clés de succès.

C’est aux praticiens ruraux « recruteurs » de développer l’image de leur entreprise pour donner envie aux jeunes diplômés de les rejoindre. Cette image doit être présente partout, dans les revues, dans les écoles, elle doit être le support qui permet aussi d’identifier les jeunes talents, les repérer et les attirer.

Les retenir et les fidéliser est l’objectif qui permet de relever le défi « Avoir des vétérinaires ruraux dans nos campagnes » pour une bonne gestion de la santé publique vétérinaire dans notre pays.

La profession vétérinaire a toujours montré sa faculté d’adaptation aux différentes attentes. Après avoir fait un examen clinique de la situation, nous avons posé un diagnostic, institué un traitement, ayons confiance, le pronostic est favorable.

Jean Paul GIROT – St Pair sur mer – octobre 2017

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